Trois organisations internationales d'artistes-interprètes, l'AEPO-ARTIS, la FIA et la FIM, ont envoyé la semaine dernière au Président de la Commission Européenne José Manuel Barroso un courrier lui demandant de donner suite aux propos du commissaire Charles McCreevy, qui a déclaré le 14 février dernier son intention d'allonger la durée de protection des droits de propriété intellectuelle des artistes de 50 ans à 95 ans après l'enregistrement de leurs oeuvres.
Un chercheur britannique avait calculé l'an dernier que la durée optimale de protection des droits des auteurs et des compositeurs serait de 14 ans après la création de l'oeuvre. Au delà, l'oeuvre devrait tomber dans le domaine public. Il estimait que c'était là la durée la plus équilibrée pour répondre à l'objectif initial du droit d'auteur : accorder aux artistes un monopole temporaire d'exploitation pour qu'ils rentabilisent la création de leur oeuvre, et puissent ensuite en créer une nouvelle, au bénéfice du public. Sans cesse allongée depuis trois siècles, la durée de protection des droits d'auteur est aujourd'hui de 70 années après la mort de l'auteur. Les artistes-interprètes, quant à eux, bénéficient d'un monopole de 50 années après l'enregistrement de leur oeuvre. S'il faut aligner les deux durées de protection, ce serait aux droits d'auteur de s'aligner sur les droits voisins, et non l'inverse.
Au fil des années, la justification du monopole accordé aux artistes a été oubliée. Aujourd'hui, les artistes veulent que leurs oeuvres deviennent des rentes à vie, et un capital retraite. Ca n'est plus l'effort créatif au service du public qui est récompensé, mais la chance d'avoir eu des oeuvres à succès.
Verrait-un un maçon recevoir une rente pour chacune des maisons qu'il a construite et qui continuent à être louées ou revendues ? Verrait-on un chirurgien recevoir une part du salaire de chacune des personnes qu'il a sauvées dans sa vie ?
L'artiste qui a enregistré des chansons il y a cinquante ans et qui se retrouve à la retraite sans le sous est un père de famille négligeant qui n'a pas appris qu'il fallait mettre de l'argent de côté pendant sa carrière. Ce n'est pas au public de payer les frais de cette négligence.
Article diffusé sous licence Creative Common by-nc-nd 2.0, écrit par Guillaume Champeau pour Numerama.com