Un très exceptionnel convoi de 400 t et 58 m de long
Hier, le Groupe Cayon (Chalon) a convoyé un bâti de presse du Creusot au port nord de Chalon en un convoi de 58 m de long. Destination la Russie.
Sur l'échelle des transports exceptionnels, celui qu'a réalisé mercredi le Groupe Cayon entre le Creusot et le port nord de Chalon se situe dans la catégorie la plus haute, la troisième. De ceux qui nécessitent un bon mois de préparation et d'instruction préfectorale. Et qui imposent non seulement deux motards et une voiture pilote à l'avant mais une voiture de protection à l'arrière.
Il est donc 9 h 10 quand les deux tracteurs solidaires l'un de l'autre quittent l'enceinte de NFM technologie, tirant un bâti de presse à pipeline de 240 tonnes sur une remorque roulant sur 160 roues ! Pas question d'être en retard au passage à niveau de la ligne Chalon-Nevers: la fenêtre de passage assez large entre deux trains est à 9 h 30. Cayon en profite pour faire passer en même temps un autre convoi, plus léger. «On a toujours un peu la peur au ventre au moment de traverser les rails. Que quelque chose casse à ce moment-là et les conséquences sont importantes !» admet Michel Perraut, responsable d'exploitation du transporteur chalonnais, grand manitou de l'opération.
Coordination;
Les chauffeurs des 3 tracteurs tireurs et pousseur Philippe, Marc et Laurent ainsi que ceux des voitures sont en liaison radio permanente. On démarre ensemble, freine ensemble «mais dans les montées, on change de vitesse les uns après les autres pour ne pas risquer d'immobiliser l'ensemble!» indique Marc. Avec 28 km/h en vitesse de pointe, il ne risque pas d'être verbalisé.
Marc Marijon, moustache gauloise, jean à bretelles, silhouette massive, 25 ans de transports exceptionnels au compteur. Le calme du vieux briscard a poussé son patron à lui confier le 2e tracteur, celui qui commande le freinage de la remorque. «N'accélère pas Philippe, tu patines !» dit-il à son prédécesseur au micro. Tout à l'heure, au rond-point du 8-mai-1945 au Creusot, au moment de prendre les feux à contresens, le tracteur de tête a mordu l'accotement et accéléré un peu en côte. Résultat, un trou de 30 cm dans le trottoir. «Les collègues ont dû le signaler en mairie» dit Michel Perraut. «J'espère qu'ils ne répareront pas d'ici vendredi: on a un convoi similaire à faire passer.» Au rond-point du golf, le plus serré, la coordination est parfaite, les 400 t du convoi total défilent comme dans du beurre.
La hantise du basculement;
Avec 58 m de véhicule à guider, les chauffeurs épousent les lignes les plus larges. L'évitement -quand faire se peut- des trottoirs, terre-pleins et panneaux indicateurs n'est pas le plus délicat. Si le convoi marque des arrêts sous les ordres de Jean-Pierre dans la voiture arrière, c'est pour laisser au mécano Cédric le temps de compenser la déclivité de la route par le jeu des vérins. «Le convoi fait 5,30 m de hauteur, son centre de gravité est très haut. On doit être très vigilant au moindre dévers de la route et le corriger pour éviter le basculement de la charge» signale Alain Duverneau, directeur d'exploitation du Groupe Cayon.
Il n'y a que sous le pont du TGV que le convoi passe. Entre Le Creusot et Chalon, il en évite dix autres par les bretelles de dégagement. On voit des photographes s'y précipiter. Un du magazine France Routes, deux modélistes férus de maquettes de convois, un couple de passionnés filmant le voyage de ces colis énormes, moins les embouteillages qu'ils provoquent.
A 12 h 20, tandis que la descente de Moroges est coupée sur 2 km pour laisser passer le convoi, la DDE fait savoir son impatience par téléphone: 7 km de bouchon, il faut libérer la voie ! Il est justement le temps de rallier la 4 voies -où voitures et camions peuvent doubler- et le parking de Cortelin le temps d'aller casser la croûte. Trente-cinq km en 3 h 30, on est dans les temps. La barge qui emmènera vendredi les deux bâtis pour Fos-sur-Mer puis le bateau pour Saint-Petersbourg devront l'être aussi pour que la péniche chargée de livrer l'imposante cargaison parvienne à Chelyabinsk, à 2000 km à l'est de Moscou, avant fin octobre. Plus tard, le risque de prise des glaces de la rivière est trop important...
Thierry Dromard
Ménager
Pourquoi une remorque de 160 roues ? Parce que le pont de l'autoroute A6 ne supporte que 16 t/ligne d'essieu. Pour rester en deçà, 20 lignes (de 8 roues chacune) ont été nécessaires.
Compenser
Cédric le mécanicien a passé le voyage sur la remorque. Alerté par Jean-Pierre le technicien dans la voiture de queue, il actionne les vérins qui compensent toute déclivité ou dévers de la chaussée afin d'éviter le basculement de la charge très lourde et haut placée.
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