Je crois qu'il ne faut pas confondre 2 choses un peu différentes...
Premièrement, le fait que les milieux hospitaliers soient des endroits très propres (du moins, normalement...) et désinfectés dans tous les coins n'engendre pas plus de "microbes" mutés que quand tu te laves les mains au savon. En effet, les "savons" de toutes sortes utilisés dans les hopitaux sont des
désinfectants, c'est-à-dire que ça tue toutes les petites bestioles microscopiques, au même titre que de l'alcool à 90° ou une stérilisation à ultra-haute température. Cela les tue parce qu'elles (tes propres cellules non plus, d'ailleurs) ne sont pas capables de survivre dans un milieu tros fortement alcoolisé, ou trop chaud, etc.
Et heureusement que ça marche: sinon, on ne pourrait par exemple utiliser les instruments chirurgicaux qu'une seule fois, faute de pouvoir les stériliser.
Le problème, c'est que pour te débarrasser des "microbes" qui sont dans ton corps, tu ne peux malheureusement pas imprégner ton corps d'alcool (enfin si, tu peux d'une certaine façon, mais c'est pas efficace contre ta maladie
) ou le chauffer à 300°, etc. Et c'est ici qu'intervient le "deuxièmement".
Deuxièmement donc, les
antibiotiques sont des "produits" (des molécules) qui agissent de manière à stopper une infection causée par des bactéries. Il y a plusieurs familles d'antibiotiques, qui agissent de manière différente : certains empêchent les bactéries de se reproduire (et stoppent donc la prolifération), d'autres entraînent la rupture de la paroi des bactéries et les font littéralement "éclater", etc.
Le problème de résistance et de mutation, qui nous intéresse ici, est lié aux gènes des bactéries. Certaines "espèces" (souches) de bactéries vont être ou ne pas être résistantes à tel ou tel antibiotique : si une bactérie est résistante à la pénicilline, c'est qu'elle possède un gène qui le lui permet. Comme nous avons, plusieurs sortes d'antibiotiques, on fait des tests pour savoir quelle souche bactérienne est résistante à quel antibiotique et on réussit à s'en tirer.
Revenons aux gènes : quand une bactérie se reproduit (elle se reproduit par division : on passe ainsi d'1 bactérie d'origine à 2 bactéries "filles"), elle dois "recopier" son ADN (son information génétique) pour en faire un double. Lors de ce "recopiage", il arrive de temps en temps qu'une erreur se glisse. Comme les bactéries se multiplient très vite, cela augmente la fréquence d'apparition de ces erreurs au sein d'une population bactérienne.
Une telle erreur sera appelée une "mutation" et peut avoir plusieurs conséquences : elle peut être défavorable à la bactérie et celle-ci va donc mourir (dans la plupart des cas), elle peut être indifférente à la bactérie et rien ne se passe de spécial, ou encore elle peut donner un avantage à la bactérie, par rapport au milieu dans lequel elle se trouve.
Dans ce dernier cas, une bactérie mutée avantageusement va se multiplier plus vite que les autres (d'autant plus que le mode de reproduction est rapide et exponentiel: on passe de 1 bactérie à 2 bactéries, de 2 à 4, de 4 à 8, de 8 à 16, de 16 à 32, de 32 à 64, etc.) et petit à petit la population mutée va remplacer l'ancienne population.
C'est suivant ce principe que, lorsqu'une population bactérienne est mise en présence d'un antibiotique (efficace contre elle), les bactérie vont normalement mourir. Mais si quelques bactéries sont mutées avantageusement par rapport à cet antibiotique, elles vont résister, puis se multiplier : en fin de comptes, on a "remplacé" une population de bactérie non-résistantes par une autre qui est résistante.
/!\ Je tiens ici à préciser quelque chose d'important, notamment par rapport à l'usage des antibiotiques.
On confond trop souvent les virus et les bactéries : on donne le nom générique et populaire de "microbes" à ces 2 groupes, pourtant essentiellement différents. Je vais essayer de ne pas faire un cours, mais seulement donner les caractéristiques principales.
[petit cours]
Un virus est un truc minuscule (même à l'échelle d'une cellule humaine), qui est un parasite obligatoire : ça veut dire qu'il ne peut pas vivre (longtemps) et se reproduire en dehors d'une "cellule hôte".
Le virus possède un petit bout d'information génétique (ADN ou ARN). Il pénètre dans une cellule et va incorporer son ADN/ARN à celui de la cellule hôte. Celle-ci va continuer à vivre en fabriquant les "matériaux" (protéines) dont elle a besoin. Le problème, c'est que pour construire ses "matériaux", elle a besoin de "plans" : ces "plans" sont son ADN. Ainsi, sans le vouloir, elle va en même temps fabriquer les "matériaux" du virus (dont les "plans" ont été incorporés à ceux de la cellule) : en quelques heures, elle aura fabriqué plein de nouveaux petits virus. Au bout d'un moment, ceux-ci vont sortir en faisant éclater la cellule de l'intérieur : chaque nouveaux virus va alors infecter une nouvelle cellule.
La "maladie" résulte donc de la destruction de tes cellules par les virus.
Une bactérie est une cellule "à part entière" (un être unicellulaire), et pas un parasite obligatoire. Certaines bactéries sont inoffensives pour nous (certaines sont même utiles, comme celles de ta flore/faune intestinale), d'autres sont pathogènes et entraînenent des maladies. Ces dernières te rendent malade, suivant les cas, parce que les déchets qu'elle rejettent (leur "pipi et caca") ou certaines molécules qu'elles produisent sont nocives (toxines, etc.) pour tes propres cellules.[/petit cours]
La différence entre bactérie et virus et très importante par rapport à l'utilisation de médicaments et notamment d'antibiotiques pour se soigner quand on est malade.
En effet,
seules les bactéries sont sensibles aux antibiotiques. Ceux-ci ne font ni chaud ni froid aux virus.
Donc, quand vous avez une maladie d'origine virale, non seulement il ne vous sert à rien de prendre des antibiotiques pour lutter contre vos virus, mais en plus si quelques bactéries (qui ne vous rendent pas malades, du moins à ce moment-là, et qui sont juste "de passage") sont dans votre corps, elles vont elles-aussi entrer en contact avec l'antibiotique : et selon le principe que j'ai expliqué plus haut, vous risquez de faire fleurir une souche résistante.
Ce risque est présent à chaque fois qu'on utilise un antibiotique (même bien utilisé) : ainsi, pour une raison évidente de santé publique et d'avenir des antibiotiques, il faut limiter au maximum leur utilisation.
Trop de gens, à qui il reste une ancienne boîte d'antibiotique dans leur pharmacie, vont en prendre quelques comprimés s'ils sont malades, sans savoir s'ils ont une maladie virale ou bactérienne.
D'autres personnes, à qui le médecin prescrit un antibiotique, ne respectent pas les doses (dans le nombre de comprimés, ou dans la longueur du traitement). Or, si le médecin a dit de prendre 500 mg, 3 fois par jour, et pendant 5 jours, c'est parce que c'est ce qu'il faut réellement : si vous prenez une dose moindre (parce que vous oubliez de prendre un comprimé de temps en temps) ou si, au bout de 3 jours, vous vous sentez mieux et décidez d'arrêter, vous allez sans doute guérir tout de même. Mais cela présente 2 grands problèmes: vous risquez d'autant plus de faire une rechute par après, et vous augmentez considérablement le risque de faire se développer une souche résistante.
Et encore aujourd'hui (mais heureusement de moins en moins), trop de médecins sachant pertinnement qu'un patient présente une maladie virale, vont tout de même prescrire un antibiotique : celui-ci sera inutile d'un point de vue médical, mais le patient s'en sentira "rassuré" (il se dira qu'on prend son cas au sérieux).
Et trop de gens (des patrons par exemple) considèrent encore qu'on est "vraiment" malade que si le médecin a jugé bon de prescrire un antibiotique. Faut-il rappeler que le sida (par exemple) est causé par un
virus?
Bref, pour clore ce (long) post, je dirais ceci : les antibiotiques sont actuellement la seule arme dont l'humain dispose contre toute une série de maladies bactériennes. Cette arme doit donc être utilisée avec parcimonie, discernement et, quand elle est utilisée, elle doit l'être en suivant scrupuleusement les indications du médecin. Faute de quoi, même si on découvre encore quelques nouveaux antibiotiques, on sera dans la m*rde dans quelques années!
Ouf, voilà, j'arrête!